ALLOCUTION DEVANT LE COMITÉ PERMANENT DE LA SANTÉ DE LA CHAMBRE DES COMMUNES
DR ALEXANDER CAUDARELLA
PREMIER DIRIGEANT, CENTRE CANADIEN SUR LES DÉPENDANCES ET L’USAGE DE SUBSTANCES
10 DÉCEMBRE 2024
Monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du Comité, je vous remercie d’avoir invité aujourd’hui le Centre canadien sur les dépendances et l’usage de substances, ou CCDUS.
Comme vous le savez, le monde change rapidement. Les effets des drogues et de l’alcool sont omniprésents.
Récemment, nous avons reçu une délégation de l’Agence de l’Union européenne sur les drogues. L’Europe et le Canada ont beaucoup en commun, comme le fait d’avoir de multiples ordres de gouvernement, communautés, langues et cultures. Même s’il y a plusieurs différences, notre travail concerté nous montre que nous faisons face à la même évolution rapide du phénomène de la drogue et à des défis semblables pour assurer la santé et la sécurité de nos milieux de vie. Cette évolution rapide et la menace qu’elle représente pour la vie des gens nécessitent que l’on apporte des innovations créatives, concrètes et reproductibles qui sauvent des vies et protègent les communautés.
Nous avons beaucoup à apprendre les uns des autres.
Or, le Canada s’est forgé une réputation en tant que pays aux mille et un projets pilotes. Pour aller au-delà de cela, nous avons beaucoup à apprendre les uns des autres, notamment en écoutant les communautés et les différents points de vue. Chaque communauté mérite de se sentir en sécurité, et chaque personne mérite d’avoir accès aux services et aux soins dont elle a besoin, où et quand elle en a besoin. Ces deux concepts peuvent et doivent coexister.
Nous avons réussi à réunir divers acteurs communautaires. Par exemple, le CCDUS collabore avec des maires de petites villes de partout au pays pour créer la première stratégie pancanadienne pilotée par des municipalités proposant des solutions aux crises d’usage de substances que vivent de nombreuses communautés. Pour ce faire, nous avons réuni des représentants de nombreuses sphères de la communauté, notamment des élus municipaux, des responsables de la santé publique, des experts des politiques sur la drogue, des fournisseurs locaux de services, des personnes ayant un savoir expérientiel, des organisations métisses, inuites et des Premières Nations, des responsables de l’industrie des ressources naturelles, des services policiers et d’autres acteurs. Nous savons que les gens en ont assez de se faire sermonner par des experts et de voir leurs inquiétudes passer sous silence. Ils veulent avoir accès à des options qui peuvent être adaptées à leur communauté. Nous travaillons donc ensemble à trouver des solutions pratiques et adaptables aux réalités locales, aux objectifs communautaires et aux budgets.
Nous nous trouvons à une époque intéressante. Nous savons ce qui est requis et ce qui fonctionne, mais nous n’avons pas réussi à le mettre solidement en pratique. Moins de 10 % des personnes ont accès aux soins dont elles ont besoin, et les taux de traitement par agonistes opioïdes au Canada sont deux fois moins élevés qu’en Europe. Nous savons qu’une capacité accrue à évaluer les futures menaces, à émettre des alertes rapides et à analyser les risques pourrait mener à des interventions efficaces et rapides qui sauvent des vies. Nous savons aussi que les taux de traitement restent faibles et que l’accès à des soins de qualité est difficile puisque nous n’investissons pas dans la prévention holistique et que nous ne créons pas les environnements communautaires adéquats. Nous avons besoin d’environnements et de systèmes de santé axés sur le rétablissement, c’est‑à‑dire qui aident les gens à se rétablir et à rester en bonne santé. Mais nous avons un problème de mise en œuvre et nous avons besoin d’innovation. Comme plusieurs collègues et moi-même l’avons déjà mentionné, il n’existe pas d’approche universelle pour les personnes aux prises avec les méfaits de l’usage de substances.
Ce dont nous avons besoin maintenant – ce dont nous avions besoin hier – c’est de retombées concrètes. Nous construisons l’avenir. Aidez-nous à obtenir les outils fondés sur des données probantes pour y arriver.
Une discussion importante a lieu en ce moment au Canada à propos du traitement forcé. C’est un bon exemple de sujet à aborder au moyen d’une approche holistique. Cette discussion ignore largement certains aspects essentiels : qu’essayons-nous d’accomplir et comment y arriverons-nous? En tant que médecin, je peux vous dire que je ne vois aucun inconvénient à garder les gens à l’hôpital si cela peut leur sauver la vie. Comme société, nous devons parler des implications du traitement forcé et de l’accompagnement à offrir.
Nous devrions commencer par ce qui fonctionne, à savoir un accès mieux coordonné et des options de traitement. Pour le trouble lié à l’usage d’alcool et d’opioïdes, par exemple, il existe une forme injectable de naltrexone qui donne des résultats incroyables et aide les gens à rester sur la bonne voie pour vivre en bonne santé. L’injection, qui se prend une fois par mois, est une innovation dans le domaine des soins de santé liée à l’usage de substances. Elle renforce l’autonomie et est plus facile à gérer que des visites quotidiennes à la pharmacie ou au centre de santé communautaire pour recevoir d’autres types de médicaments salvateurs.
Mais la naltrexone sous forme injectable n’est pas disponible au Canada.
Nous devons cesser de fermer les yeux sur le fait qu’il n’existe aucune intervention qui ne causera aucun préjudice. Comme pour n’importe quel aspect des soins de santé, nous devons évaluer les avantages et les risques pour prendre des décisions éclairées. Nous devons également prendre part à des interventions en gardant les yeux grand ouverts et nous préparer à des conséquences imprévues. Il faudra faire preuve d’humilité, de rapidité et de souplesse, et se servir de la science. Nous devons élever le débat au‑delà des questions idéologiques. Si nous ne le faisons pas, il y aura d’autres morts et d’autres communautés qui souffriront.
Merci.